- Illustration La patate à toute vapeur

La patate à toute vapeur

Pour de nombreux Bretons, les petits trains à vapeur « ar marc’h du » du réseau ferroviaire secondaire breton, restent avant tout les « trains patates » qui permettaient d’écouler les tubercules vers les marchés des grandes villes.

Le sifflet du train vapeur se fait entendre. Attention au départ. Jacques Fitamant, arborant fièrement sa tenue de mécanicien, est fin prêt au bureau de la gare pour vous poinçonner votre ticket. C’est le début d’un voyage conté, sur cet imbroglio de lignes ferroviaires qui se sont développées à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Un réseau en étoile à partir de Carhaix

C’est dans le but de mettre fin à l’isolement du Centre-Bretagne, qui souffrait d’un manque évident de voies de communication, qu’a été décidée à la fin du XIXe siècle la construction d’un réseau de chemin de fer à voie étroite (voie d’un mètre de large). Ainsi naît le Réseau Breton. Les travaux s’étalent de 1886 à 1925. Les lignes rayonnent en étoile depuis Carhaix et relient les villes de Paimpol, Morlaix, Camaret-sur-Mer, Rosporden et La Brohinière. Avec 426 kilomètres de lignes, ce réseau a été l’un des plus importants réseaux ferroviaires secondaires de France.

[caption id=”attachment_18543″ align=”aligncenter” width=”600″]Train MV (marchandises voyageurs) en gare de Saint-Nic. Train MV (marchandises voyageurs) en gare de Saint-Nic.[/caption]

Reconnu d’utilité publique

Dans un premier temps destiné au transport des marchandises, il achemine des amendements marins nécessaires à l’amélioration des terres agricoles. Le matériel nécessaire à l’agriculture (faucheuses, batteuses, tracteurs) arrive également par train et, en retour, repart à plein en exportant les productions locales. « Après la Deuxième Guerre mondiale, âge d’or de la production de plants de pommes de terre, un à trois trains quittaient Châteaulin tous les soirs, remplis de pommes de terre », ajoute le collectionneur.

Pour de nombreux Bretons, en effet, ces petits trains à vapeur, « ar marc’h du », restent avant tout les « trains patates » qui permettent d’écouler les tubercules vers les marchés des grandes villes, ou transportent de la paille, des animaux partant aux foires, des ardoises… Et, particularité de la ligne de Camaret, elle connaît un trafic marchandise important avec l’expédition des produits de la marée. À Châteaulin, les fruits de mer sont transbordés dans les wagons frigorifiques du Paris-Orléans pour arriver à Paris le lendemain matin.

[caption id=”attachment_18542″ align=”aligncenter” width=”600″]Une locomotive à vapeur 328 au début de l’exploitation du Réseau breton. Une locomotive à vapeur 328 au début de l’exploitation du Réseau breton.[/caption]

Le transport des voyageurs cause sa perte

Des trains spéciaux, pour les voyageurs, sont affrétés lors des grandes occasions : foires, pardons, courses cyclistes… D’autres trains sont mis en place l’été pour amener les habitants de Carhaix à la mer. Ces trains étaient appelés « Bains de mer ». Quelques décennies plus tard, le train à vapeur est remplacé par l’autorail, plus souvent dénommé « La Micheline », des marques Billard provenant majoritairement de la fermeture des réseaux des tramways d’Ille-et-Vilaine et autres Decauville. Malgré tout, le voyage sur voie métrique reste lent et parfois inconfortable pour les voyageurs. La concurrence redoutable avec l’automobile et surtout l’autocar qu’il rencontre causera sa perte.

En manque de rentabilité sur la partie transport de voyageurs, les lignes métriques ferment progressivement. De plus, en 1967, la sinuosité du réseau ne permettant pas sa conversion en voie à écartement normal (1,435 mètre), le Gouvernement, en recherche d’économies, décide de mener une phase test sur la Bretagne en fermant toutes les lignes métriques. 400 wagons sont brûlés en quelques jours pour en récupérer la ferraille, anéantissant le transport des matières agricoles de par ce moyen de locomotion.

[caption id=”attachment_18540″ align=”aligncenter” width=”600″]Vérification d’une locomotive E 417, à Châteaulin, en 1967, avant le départ pour Carhaix. Vérification d’une locomotive E 417, à Châteaulin, en 1967, avant le départ pour Carhaix.[/caption]

Tout un pan de l’économie régionale en dépendait. Ce sera un véritable scandale social et financier », décrit Jacques Fitamant. Seule la ligne Carhaix – Guingamp est conservée : sa mise à écartement normal a lieu de février à juin 1967. Du Réseau Breton, il ne subsiste aujourd’hui que quelques autorails encore présents sur des chemins de fer touristiques sur l’Hexagone, quelques wagons et seules quatre locomotives à vapeur ont été préservées, dont une 415 en Bretagne, en monument devant la gare de Carhaix.

Un réseau départemental en sus

À ce réseau breton se rajoutent des réseaux départementaux, eux-aussi à voie métrique. La rapidité du trajet n’était pas non plus la première des priorités. Pour réaliser « la transversale », reliant Plouescat- Rosporden, le trajet de 107 km durait 10,5 heures… « En allant en colonie à Camaret, je me souviens être descendu du train à Kerlobret, à la sortie de Châteaulin. Nous étions montés à pied jusqu’à la halte de Kerillet en chantant, où nous étions remontés dans le train », se remémore Jacques Fitamant. Il ne reste aujourd’hui de ces réseaux que des bâtiments d’anciennes gares, des ouvrages d’art et des voies… vertes transformées en agréables sentiers de randonnées.

Des vaches à eau sur les tander

À l’arrière des locomotives à vapeur, sur le tander (wagon de stockage de l’approvisionnement en combustible), une trappe permettait au mécanicien d’accéder à la réserve d’eau et d’y remplir une poche, appelée « vache à eau ». En ces temps-là, une toilette sommaire du mécanicien s’avérait nécessaire afin de se débarrasser de la couche de charbon et de graisse avant « d’aller à la feuille », effectuer son compte-rendu de route. Très rapidement, cette vache à eau a été utilisée différemment. Immergée dans l’eau du tander, elle conservait des bouteilles au frais…


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